Zoom sur le bois dans les Jeux de Paris
Les Dames de bois de Dunkerque Maison

Les Dames de bois de Dunkerque

Mis à jour le 8 sept. 2022 à 15:22:54

Découvrez les Dames de Bois de Dunkerque, des maisons bois centenaires. Interview de Eric Stroobandt, Architecte.

Quelle est l'histoire de ces étonnantes maisons en bois ?

Jusqu'au XIXe siècle, la ville de Dunkerque constituait un point stratégique de défense militaire. A ce titre, la ville et ses alentours étaient soumis à des règles de construction strictes et particulières. Ainsi, en périphérie des remparts, les étendues de servitudes militaires comprenaient notamment 2 zones : l'une, appelée « non aedificandi », où aucune construction n'était tolérée et une autre où seules des constructions en bois sur soubassement en brique étaient autorisées. Celles-ci pouvaient être démolies rapidement en cas d'attaque terrestre, pour permettre aux canons de défendre la ville plus efficacement. La loi Cornudet de 1919 mit fin à ces contraintes.

A ce premier paramètre, il faut ajouter que Dunkerque était le premier port français d'importation de bois scandinaves. Le négoce d'essences de résineux, légères mais résistantes, et la présence locale de charpentiers qualifiés, ont favorisé le développement de constructions en bois pendant près de 50 ans. S'ajoute à cela l'essor d'une architecture balnéaire spécifique, inspirée notamment des maisons côtières de certaines régions de Suède.

Quels types de maison peut-on encore trouver à Dunkerque ?

On distingue 2 types de maisons à ossature en bois.
D'abord les maisons ouvrières mitoyennes et étroites, qui comprennent un ou deux étages. Certaines ont, au cours du temps, reçu un enduit extérieur, et d'autres ont été dissimulées derrière des briques. Heureusement, quelques unes ont conservé leur bardage à clins, posé horizontalement et rehaussé de couleurs typiques du bord de mer : des façades claires et des menuiseries ou détails de nuance plus soutenue.
Puis les villas, reconnaissables à leurs nombreux détails ouvragés et leur allure élancée. Elles présentent un vocabulaire architectural balnéaire, comportant notamment des oriels (avancées en encorbellement), balcons, bow-windows et motifs décoratifs plus travaillés en façades. Ces demeures remarquables étaient isolées sur leur parcelle, entourées d'un jardin, voire d'un parc.

La villa Myosotis : premier prix d'honneur au concours d'architecture de 1900.

La villa Myosotis : premier prix d'honneur au concours d'architecture de 1900.

Quelle technique de construction était utilisée ?

Ces maisons étaient construites à partir d'une ossature à pans de bois de 12 à 14 cm d'épaisseur. Les montants et les traverses étaient assemblés sur site. Une lame d'air servait d'isolant et les bardages étaient cloués, puis peints. Ainsi édifiées, les parois n'accumulaient pas le froid et les maisons étaient plus faciles à chauffer que des constructions en brique par exemple.
A l'intérieur, un lattis de châtaigner recevait du plâtre en projection. Ces choix ne relevaient pas du hasard : le châtaigner possède des caractéristiques de durabilité avérées et le plâtre constitue un excellent coupe-feu en cas de besoin.
A l'extérieur, aujourd'hui encore, les villas arborent des décors très travaillés et parfois même des sculptures.

Ces constructions ont finalement bien résisté au temps !

En effet ! Même si certaines des bâtisses construites à cette époque ont disparu pendant la Seconde Guerre mondiale et que d'autres ont été détruites au cours des années 70 et 80, car la valorisation du patrimoine « bois » et l'éco-construction ne se situaient pas encore au centre des préoccupations d'urbanisme. C'est dans les années 90 que la notion « d'urbanisme durable » a commencé à apparaître.
Les maisons en bois de Dunkerque prouvent la résistance des matériaux utilisés (des essences naturellement durables) et le savoir faire des artisans qui les ont construites.

Une vue de la villa Saint Antoine.

Une vue de la villa Saint Antoine.

Avec le temps, ont-elles subi des aménagements spécifiques ?

Bien sûr. Des pièces d'appui on été remplacées ou des raccords de menuiseries ont été posés sur certaines. De même, le double vitrage a été installé et les peintures extérieures refaites sur la majorité de ces bâtiments en bois. Mais il s'agit de travaux d'entretien régulier qui permettent de revaloriser ce patrimoine.

visuel d'une maison ouvrière en bois à Dunkerque

Une maison ouvrière à un étage ayant conservé son bardage d'origine.

Quel regard portez-vous sur ces constructions historiques

Faciles à chauffer et durables, ces maisons ont relancé le débat architectural dans une région où le matériau traditionnel reste la brique.
En outre, leur charme, leur esthétique et leur allure en font des édifices remarquables, tout comme leurs performances thermiques et environnementales.

La villa Moscovite et la villa Myosotis ont été inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, à l'initiative conjointe de l'association Myosotis et de l'Assemblée pour la Défense de l'Environnement du Littoral Flandre-Artois. Cette mesure de sauvegarde a notamment permis d'éviter la démolition de la villa Myosotis. En outre, toute modification sur l'un des édifices inscrits doit désormais faire l'objet d'un accord du directeur régional des Affaires Culturelles et d'une demande de permis de construire auprès du maire de la commune.

Photo de Eric Stroobandt

Eric Stroobandt, Architecte

Architecte depuis 1983, Eric Stroobandt travaille notamment sur des projets de logements sociaux ou individuels. Sensibilisé au matériau bois par son grand père, il est à l’origine de l’association Myosotis, initialement créée pour sauver la villa éponyme. Cette association œuvre aujourd’hui à faire connaître le patrimoine spécifique dunkerquois.